Princesse biblique, Salomé fait partie des femmes fatales de la Bible, c’est-à-dire qui amène la mort.
Au banquet du roi Hérode, elle danse et cela plaît tant au roi qu’il lui accorde tout ce qu’elle voudra. C’est sa mère, Hérodiade, qui demande la tête de Jean-Baptiste qu’on lui sert alors sur un plateau (Evangiles de Matthieu et Marc). Mais Salomé n’a pas de volonté propre. Elle exécute les ordres qu’on lui donne.
De surcroît, le texte la mentionne à peine. L’exégèse et l’image développent le récit biblique et font de la jeune fille une femme fatale. Dans les représentations médiévales et postérieures, son corps est représenté sous toutes les formes bien que sa danse ne soit pas décrite. Sur un chapiteau de l’abbaye de La Sauve-Majeure, il forme une boucle, corps désossés aux allures…serpentines. Ça vous rappelle quelque chose ? Descendante d’Eve, son corps devient un instrument de mort. Son corps est l’instrument de ce péché.
Les femmes fatales font l’histoire : Circé, Médée, Hélène, Pandore, Judith, Dalila, toutes issues de la grande pécheresse. Toutes ces femmes ont en commun un pouvoir féminin menaçant, à l’origine du chaos, à la sensualité coupable.
Mais si son corps était plutôt un instrument de pouvoir qu’un instrument de péché ?
C’est pourquoi j’ai voulu représenter Salomé. Depuis longtemps en fait, elle est sur ma liste des femmes diabolisées. L’idée est venue en passant par d’autres femmes qui usent de leur corps… pour elles-mêmes.
Mata Hari, danseuse qui use de son corps dans une volonté propre, espionne, provoque l’inquiétude et en meurt jugée.
Joséphine Baker, danseuse, chanteuse et résistante. Son corps est l’instrument de son émancipation.
Maïa Plissetskaïa, danseuse russe, prima ballerina, qui a scandalisé le régime soviétique pour son interprétation « trop sensuelle » du Lac des Cygnes. En ayant défié les mœurs, elle a instauré la manière toujours actuelle de le danser.
Trois artistes aux vies difficiles qui se sont libérées de leurs jougs par leurs corps.
Trois femmes, une figure, une trinité renversée du corps.
Alors…
Aux muses de la danse, à Terpsichore,
À Mata, à Joséphine, à Maïa
À Salomé
Une trinité du corps aux allures serpentines
Salomé aux longs cheveux
Salomé en transe
Fille d’Ève et fière de l’être
Celle qui dansait
Libre
Aux Salomés